Agence Panafricaine d'information

Au Soudan, une fois de plus, le sport transcende toutes les tragédies et apporte de l'espoir à la population: Reportage sportif par Mohamed Osman Adam

Port-Soudan, Soudan (PANA) - C'est un coup de sifflet que je ne pourrai jamais oublier, six mois après que les communications ont été coupées avec l'Est de Khartoum, au Soudan, à cause de la guerre. Le coup de sifflet annonçait la reprise des jeux du soir pour les jeunes de notre quartier, 15, Hajj Youssef, Radmia, État de Khartoum.

 

L'endroit était un terrain de jeu poussiéreux et sablonneux, de l'argile était utilisé pour marquer la surface de réparation, les zones des gardiens de but et le centre, et le reste était à imaginer et à estimer. Mais pour moi, c'était une scène plus belle que le Mineirão du Brésil, le Celtic Park d'Écosse, le stade Wembley d'Angleterre, l'Estadio Olímpico Universitario du Mexique, Old Trafford d'Angleterre, ou même Santiago Bernabéu, du Real Madrid d'Espagne.

 

Ces magnifiques stades, lorsqu'ils sont remplis par des supporters en délire, sont des symboles de la beauté de la vie. Pour moi, notre terrain de jeu en terre battue n'était pas un symbole de retour à la vie en soi. Et il faut avoir la vie pour en profiter.

 

Cette soirée - où les jeunes ont profité d'une courte accalmie par crainte des bombardements - m'a donné la conviction que je faisais encore partie du monde, profitant de l'un des plus beaux divertissements de notre vie moderne : le football.

 

Nous sommes sortis, timidement et individuellement, chacun avec un tabouret ou une chaise délabrée, pour voir les jeunes jouer, vêtus de vêtements miteux pour jouer, oubliant la guerre et les avions de guerre Sukhoi qui survolent leurs quartiers résidentiels. Et c'est l'un des jeux les plus doux que j'ai vus dans ma vie.

 

Les jeunes hommes, symbole de la vie future, continuaient à courir, à passer le ballon, à dribbler, à lancer des objets, à soulever de la poussière et à transpirer. Ils ont continué à jouer jusqu'à une demi-heure avant le coucher du soleil, parce qu'il n'y avait pas d'électricité et, bien sûr, pour des raisons de sécurité.

 

Des groupes armés sont passés pendant le match. La tension monte. Mais les hommes en tenue de guerre ne sont jamais intervenus, certains ont même arrêté leur camion, équipé de mitrailleuses, pour regarder pendant quelques minutes et pour taquiner les jeunes « peut-être que l'un d'entre vous sera notre Messi » !!!.

 

Notre petite foule éparpillée de personnes âgées a ri, d'un rire nerveux mais qui a désamorcé la tension. Il y avait un sentiment de normalité, créé par ces jeux d'enfants, dans ces quartiers pauvres.

 

Non seulement dans mon quartier, mais dans tout Hajj Youssef, une banlieue de Khartoum, il était de bon augure d'entendre ce sifflement de jeunes jouant au football le soir, jusqu'au coucher du soleil, sur un terrain sablonneux.

 

« Oui, même les enfants y jouent au football aujourd'hui », entendait-on dire pour convaincre ses interlocuteurs que la vie avait repris son cours normal et que les gens s'y plaisaient.

 

Dans les zones où un générateur est installé, un match opposant Barcelone et le Real Madrid, ou la Roma et la Virontina, est un événement que personne ne manque. Les mesures de sécurité sont généralement réduites lorsqu'un match important est joué, opposant Arsenal et les Wolves, ou Manchester City et Liverpool. Les armes sont laissées à l'extérieur du salon où se trouve un écran géant et il n'est pas surprenant d'entendre deux personnes appartenant à des groupes armés opposés crier « hourra » pour l'une ou l'autre équipe.

 

Une fois de plus, le football s'est avéré être un élément de cohésion au Soudan, un pays en proie à la guerre civile, à la colère et à la faim.  Ce fut de courte durée, mais comme le héros de la mythologie grecque Sisyphe, le moment où l'on a placé le rocher au sommet, après une course ardue, et où il est retombé en bas, a été une joie en soi.

 

Pour nous, le simple fait de jouer à un jeu, d'évacuer la tension et le stress, de gagner un match ou de perdre, peu importe, de nous retrouver ensemble en plein air était un événement inestimable. C'était une joie indescriptible.

 

Lorsque l'équipe nationale soudanaise a remporté un match contre le Ghana dans le cadre d'une compétition africaine pour les joueurs locaux, cela n'a pas seulement apporté de la fierté et de la joie aux ressortissants de ce pays. Elle a apporté un soulagement, un sentiment de transcender les souffrances actuelles et le sentiment qu'un avenir meilleur est encore possible et réalisable.

 

L'Agence panafricaine d'information (PANA) a rapporté que la victoire du Soudan sur le Ghana dans le cadre des qualifications pour la Coupe d'Afrique des Nations 2025 (Afcon) a apporté fierté et joie à un pays touché par la guerre civile.

 

L'agence cite l'attaquant de l'Equipe nationale du Soudan, Abobaker Eisa, qui a déclaré que lorsque le Soudan a battu les Black Stars du Ghana 2-0 lors d'un match à domicile joué en Libye neutre en octobre 2024, et qu'il n'avait besoin que d'un point lors de ses deux derniers matchs de qualification le mois prochain pour s'assurer une place à la phase finale, les gens ont ressenti non seulement de la fierté, mais aussi de la joie, et une ouverture vers un avenir meilleur.

 

On a eu le sentiment que même dans les moments les plus sombres, une lueur d'espoir pénètre et guide les gens.  J'ajouterais qu'il y avait un sentiment de réconciliation, un soulagement, une lumière au bout du tunnel.

La guerre civile a débuté en avril 2023, laissant des millions de personnes déplacées et de nombreuses personnes confrontées à la famine, alors que le pays connaît la pire crise humanitaire au monde.  « Avec les événements qui se déroulent actuellement au Soudan, la guerre civile, nous sommes en train de faire un pas vers la réconciliation".

-0- PANA MO/AR/BAI/IS/SOC 29oct2024